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Immobilier : La France face à une crise multiforme, entre espoirs timides et inquiétudes persistantes

Article compte-rendu complet ci-dessous après le reportage photos

Dans le cadre du networking mensuel de FIABCI-France sur le thème « Immobilier neuf et immobilier tertiaire : sortir de la crise », le Président Stéphane Imowicz a remercié pour sa présence Mme Danielle Dubrac, Présidente de l'UNIS, l'Union des Syndicats de l'Immobilier, qui est à nouveau adhérente de FIABCI-France. Deux experts de premier plan ont partagé leur analyse du marché immobilier français le 7 octobre 2025 : Frank Hovorka, administrateur de FIABCI-France, directeur technique et innovation chez FPI et président de Buildingsmart France, et Pierre-Edouard Boudot, executive director recherche et stratégie chez CBRE France. Leur diagnostic est sans appel : le secteur traverse une crise multiforme qui touche tant l'immobilier tertiaire que résidentiel. Si quelques signaux de reprise se dessinent, les défis restent immenses dans un contexte politique et économique incertain.


Prochain rendez-vous : FIABCI-France business networking

Mercredi 26 novembre 2025 à 19h au Fouquet's Paris

Thème : "La Défense : réinventer le modèle économique du premier quartier d'affaires européen"

Conférence animée par Bernard Michel, administrateur de FIABCI-France et président de Viparis, avec l'expertise de Jérôme Bédier, trésorier de la CCI Paris Île-de-France et président de la mission sur l'avenir de La Défense.



Une crise aux multiples visages

Stéphane Imowicz, président de FIABCI-France, a ouvert la réunion en annonçant plusieurs innovations pour l'association, dont la modification du site web par la création d’un espace réservé aux membres et le lancement d'une newsletter destinée aux adhérents. L'association compte aujourd'hui une cinquantaine d'adhérents avec l'objectif ambitieux de passer à 100 adhérents durant l'année 2026, notamment par la valorisation des bénéfices pour les adhérents, la diversification des métiers représentés et le retour d’anciens partenaires tels que l’UNIS et le SNPI.

Mais c'est surtout le bilan alarmant du marché immobilier qui a dominé les débats.

Pierre-Edouard Boudot a clairement posé le diagnostic : « Il y a une crise financière, une crise immobilière, en tout cas pour le secteur tertiaire, une crise économique et puis, il y a une crise politique ».


Le marché des bureaux : une reprise fragile

La remontée des taux d'intérêt depuis 2022 a provoqué un effondrement des volumes d'investissement en bureaux. La prime de risque, qui rémunère le risque d'acheter du bureau par rapport à de la dette française, s'est resserrée de façon spectaculaire, passant de 150 à 200 points de base historiquement à seulement 50 à 60 points de base aujourd'hui.

« Les volumes d'investissement en France en bureaux ont fortement baissé », constate Pierre-Edouard Boudot, avant de préciser que « le point bas était touché au troisième trimestre 2024, et depuis, la pente est positive ».

Cependant, cette reprise reste concentrée géographiquement et repose sur quelques grandes transactions. Paris intramuros capte désormais près de 75% des volumes investis, contre moins de 50% avant la crise. « La liquidité est d'abord et avant tout revenue dans Paris intramuros, et même dans ce qu'on appelle Paris centre-ouest », explique l'expert de CBRE.

Une vacance structurelle préoccupante

Le télétravail a profondément transformé le marché. Les statistiques de l'INSEE montrent qu'entre 1,5 et 1,7 jours de télétravail par semaine sont pratiqués en moyenne, avec une vingtaine de pourcents de salariés concernés – un chiffre qui monte à deux tiers sur les emplois de bureau télétravaillables.

L'offre disponible de bureaux en Île-de-France a doublé en quelques années, passant de moins de 3 millions de mètres carrés à plus de 6 millions. Le taux de vacance dépasse désormais 10% en moyenne régionale.

Plus inquiétant encore, la vacance structurelle – ces espaces vides depuis plus de 4 ans – atteint 1,8 million de mètres carrés au 1er juillet. « Le monde post-Covid, il commence en 2021, vacant depuis 4 ans, à partir de 2021, ça veut dire 2025. Donc en fait, l'effet réel de la vacance structurelle post-Covid, on va juste la connaître maintenant », prévient Pierre-Edouard Boudot.

Le résidentiel neuf en grande souffrance

Frank Hovorka, nouveau secrétaire général de FIABCI-France, a présenté un tableau tout aussi préoccupant pour le logement neuf, s'appuyant sur les données de la Fédération des Promoteurs Immobiliers.

Une chute vertigineuse de la production

Les chiffres sont éloquents : les permis de construire sont passés de 113 000 en 2015-2018 à seulement 53 000 actuellement. « On se félicite d'être repassés à 53 000, c'est-à-dire à la moitié de ce qu'on faisait avant », ironise Frank Hovorka.

La situation devrait encore s'aggraver avec les élections municipales de 2026. « On suppose qu'on va se reprendre un choc à partir du quatrième trimestre 2025, premier trimestre 2026 », explique-t-il, rappelant que « systématiquement, l'élection municipale dit 'Arrête des dépôts de permis'. Les maires ne veulent plus voir un permis, plus voir une grue, plus voir un chantier ».

Un phénomène nouveau et inquiétant s'est développé : les retraits d'opérations par les promoteurs. Alors que ce taux était normalement entre 3% et 5%, il a grimpé entre 22% et 30% récemment. « Les promoteurs nous ont dit qu'on a le permis de construire. Mais comme on ne commercialise pas, on retire l'opération. On l'arrête. On passe ça en pertes et profits », explique Frank Hovorka.

La disparition des investisseurs

Les réservations ont chuté de 9,9% sur l'ensemble des opérations en France. Les réservations en bloc ont particulièrement souffert avec le retrait progressif du logement social. « On est arrivé au maximum de ce que CDC Habitat et Action Logement, côté investisseurs, pouvaient absorber en termes de volume d'achat », constate Frank Hovorka.

Du côté des investisseurs particuliers, la fin du dispositif Pinel a porté un coup fatal. Les investisseurs Pinel, qui représentaient 16 000, 14 000 puis 12 000 réservations, disparaissent progressivement du marché. « Le Français, n'étant pas bête, préfère mettre son argent dans une obligation à 3,50 que dans de l'immobilier risqué, résidentiel », résume l'intervenant avec pragmatisme.

Une lueur d'espoir cependant : le retour des propriétaires occupants et des primo-accédants, qui profitent de la réouverture du PTZ.

Des prix qui ne baissent pas

Contrairement aux espoirs de certains, les prix ne diminuent pas. « Le fantasme de nos politiques depuis 7 ans, c'est de dire que c'est formidable, cette crise, les prix vont baisser. Alors bon, vous avez constaté, les prix de l'immobilier n'ont pas baissé », affirme Frank Hovorka.

Le foncier reste cher, notamment en zones attractives, avec une critique sévère des établissements publics fonciers : « Les gens qui nous vendent le foncier le plus cher aujourd'hui, c'est les établissements publics fonciers ».

La réglementation environnementale 2020 a augmenté les coûts de construction de 8 à 10% hors inflation, soit 15 à 20% avec l'inflation. « On n'est pas du tout dans une situation où vous allez avoir la moindre baisse de prix », insiste-t-il.

Un besoin de 445 000 logements par an

S'appuyant sur les travaux de Michel Mouillart avec les données du service d'économie de l'administration, Frank Hovorka révèle que la France devrait construire 445 000 logements par an jusqu'en 2040 pour résorber le déficit et limiter la pénurie. Or, « aujourd'hui, on est parti, cette année et l'année prochaines, pour en construire entre 250 000 et 300 000 ».

Le constat est sans appel : « Au lieu de résorber le déficit et de limiter la pénurie, on vient au contraire aggraver ».

L'Europe comme lueur d'espoir

Face à ce tableau sombre, Frank Hovorka s'appuie sur les initiatives européennes pour rester optimiste. La Fédération des Promoteurs Immobiliers est membre de BuildEurope, qui représente 800 000 emplois et 10% du PIB.

Plusieurs pays ont lancé des plans de relance ambitieux : l'Allemagne vise 1,5 million de logements en 3 à 5 ans avec une TVA réduite à 10% et des subventions via la KfW, le Royaume-Uni s'est fixé le même objectif sur 5 ans avec une réforme de la planification et une suppression des recours dans certaines zones.

L'Union européenne a créé une task force sur le logement avec le commissaire Daniel Grunstead et prévu 10 milliards d'euros pour soutenir la construction. « La Banque européenne d'investissement associée à la Caisse des dépôts vont mettre en place près de 500 millions pour le logement abordable », révèle l'expert.

« Je reste optimiste parce qu'il y aura un sursaut. On ne peut pas rester dans cette crise-là alors que l'ensemble des autres pays européens font ce qu'il faut politiquement pour relancer la machine », conclut Frank Hovorka.

La conversion bureaux-logements : une fausse bonne idée ?

Sur la question de la transformation des bureaux vacants en logements, les experts restent sceptiques, évoquant les travaux du rapport Lépine-Bouillet. « Ça marche si la valeur du bureau est à zéro », résume Frank Hovorka. Les contraintes techniques (hauteur des bâtiments, épaisseur des plateaux) rendent ces opérations très coûteuses, avec « 25% de surcoûts, 25% de perte de surface ».

L'idéal serait des barres de bureaux de 16-18 mètres, mais le verdict est sans appel : « Dans 80% des cas, il vaut mieux raser et reconstruire. C'est beaucoup plus performant ».

Conclusion

La conférence s'est achevée sur cette note mitigée : quelques signes d'amélioration sur le marché des bureaux parisiens, mais une situation alarmante pour le logement neuf qui, sans volonté politique forte, pourrait conduire à une pénurie structurelle et une explosion des prix dans les années à venir.

Les professionnels du secteur attendent désormais des signaux politiques clairs et des mesures concrètes pour sortir de cette crise multidimensionnelle qui pénalise l'ensemble de l'économie française.


Reportage réalisé par Christophe Régnier et L'agence LA NOUVELLE ÉCONOMIE pour FIABCI - France.

Vous pouvez télécharger et utiliser les photos en citant l'auteur et l'agence comme suit :

Crédit photos :  Christophe Régnier www.lanouvelleeconomie.tv 


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